L’AG M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA sur le règlement Successions

L’avocat général M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA a présenté le 11 avril 2024 ses conclusions dans l’affaire C‑187/23 (Albausy) qui porte sur le règlement Successions.

Les faits, la procédure et les questions préjudicielles

14. P. T., ressortissant français, domicilié en dernier lieu en Allemagne, est décédé le 15 septembre 2021.

15. Le 23 novembre 2021, E. V. G.-T., l’épouse de P. T. à la date du décès de ce dernier, a demandé à l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne) un certificat successoral européen la désignant comme unique héritière.

16. À cette fin, elle a présenté un testament, signé à la main par les deux époux, dont le contenu était le suivant :

« Testament conjonctif

Nous, soussignés E. G.-T., née le […], et P. T., né le […], mariés et domiciliés ensemble […], déclarons :

1) Nous ne sommes pas liés par des dispositions successorales antérieures et n’avons pris aucune disposition de cette nature. À titre préventif, nous révoquons toutes les dispositions que nous aurions prises jusqu’à présent unilatéralement ou conjointement.

2) Nous nous désignons mutuellement comme uniques héritiers. Cette désignation est réciproque et contraignante. Au surplus, le dernier survivant n’est pas limité par cette disposition. Il lui est loisible d’organiser lui-même sa succession, et ce même avant le décès du premier mourant, mais uniquement s’il devient le dernier survivant.

3) Nous sommes tous deux domiciliés en Allemagne et souhaitons l’application du droit allemand des successions, que nous choisissons et désignons comme droit applicable dans la mesure où nous sommes autorisés à le faire. Cette désignation est réciproque.

Fait à R., le 23 juillet 2020. E. G.-T. La présente déclaration reflète également ma volonté. P.T. »

17. Il est constant qu’il existait un testament plus ancien, écrit à la main et signé par le testateur, qui disposait :

« Je, soussigné P. M. J. T, né le […] à A., domicilié à […] Espagne, révoque toutes les dispositions à cause de mort antérieures. Je lègue la quotité disponible de ma succession à mes deux petits-enfants, fils de P., N. A. J. T., né le […], et J. N. J. T., né le […]. Ils se la partageront à parts égales. Je désigne mon fils P., et seulement lui, pour organiser mes funérailles avec une messe grégorienne et mon inhumation à […] en Espagne. Fait à A., le 31 mai 2001. La présente déclaration constitue mon testament. P.T. »

18. E. V. G.-T. se considère comme l’unique héritière de P. T. en vertu du testament du 23 juillet 2020. En revanche, le fils et les petits‑enfants de P.T. estiment que le testament n’est pas valable, puisque le testateur n’était pas en mesure de l’établir au moment de sa rédaction et que la signature n’est pas la sienne.

19. Selon les affirmations de la juridiction de renvoi, le testateur était encore en mesure d’établir un testament, et sa signature est apposée sur celui qui a été présenté.

20. Dans ce contexte, l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach) estime que la délivrance du certificat dépend de l’interprétation du règlement no650/2012, raison pour laquelle il a sursis à statuer et saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes :

1) L’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’il vise aussi les contestations soulevées précisément au cours de la procédure de délivrance du certificat successoral européen et que la juridiction n’est pas en droit d’examiner ces contestations, de sorte que cet article ne vise pas seulement les contestations soulevées dans le cadre d’une autre procédure ?

2) En cas de réponse affirmative à la [première] question, l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’un certificat successoral européen ne peut pas être délivré, même dans le cas où des contestations auraient été soulevées au cours de la procédure de délivrance dudit certificat et qu’elles auraient toutefois déjà été examinées dans le cadre de la procédure relative à un certificat d’hérédité prévue par le droit allemand ?

3) En cas de réponse affirmative à la [première] question, l’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement no650/2012 doit-il être interprété en ce sens qu’il vise toute contestation, même dans le cas où elle serait soulevée sans être suffisamment étayée et où il n’y aurait pas lieu de recueillir une preuve formelle à cet égard ?

4) En cas de réponse négative à la [première] question, sous quelle forme la juridiction doit-elle énoncer les motifs qui l’ont amenée à rejeter les contestations et à délivrer le certificat successoral européen ?

Réponse suggérée :

L’avocat général M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA propose à la Cour de déclarer irrecevable la demande de décision préjudicielle introduite par l’Amtsgericht Lörrach (tribunal de district de Lörrach, Allemagne).

À titre subsidiaire, il propose de répondre à cette juridiction dans les termes suivants : « L’article 67, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement (UE) no650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, doit être interprété en ce sens que :

L’autorité appelée à délivrer un certificat successoral européen doit évaluer les contestations soulevées au cours de la procédure de délivrance par les personnes intéressées à la succession afin d’établir les éléments à certifier.

Le certificat successoral européen ne peut pas être délivré en incluant des éléments qui s’avèrent non conformes à une décision antérieure définitive.

Le certificat successoral européen ne peut pas être délivré lorsqu’un élément essentiel de la succession elle-même, tel que la validité d’un testament, a été contesté dans la procédure conduisant à sa délivrance, si cette contestation présente un minimum de fondement au regard de la loi applicable.

L’autorité émettrice n’est pas tenue d’indiquer dans le certificat successoral européen les raisons pour lesquelles elle l’a délivré ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9F8D175E6DFAFE4590DB406EED243AAC?text=&docid=284664&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=2903394

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