La CJUE sur la directive 93/13 (office du juge en matière de clauses abusives)

La Cour de justice a rendu ce jour sa décision dans l’affaire C-170/21 (Profi Credit Bulgaria EOOD contre T.I.T.) qui porte sur la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs.

« 1) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que le juge national, saisi d’une demande de délivrance d’une injonction de payer et alors que le débiteur-consommateur concerné ne participe pas à la procédure jusqu’à la délivrance de cette injonction de payer, est tenu d’écarter d’office l’application d’une clause abusive du contrat de crédit à la consommation conclu entre ce consommateur et le professionnel concerné, sur laquelle une partie de la créance invoquée est fondée. Dans cette hypothèse, ce juge dispose de la faculté de rejeter partiellement cette demande, à la condition que ce contrat puisse subsister sans aucune autre modification ni révision ou complément, ce qu’il incombe audit juge de vérifier.

2) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, si cette disposition oblige le juge national, saisi d’une demande d’injonction de payer, à tirer toutes les conséquences qui, selon le droit national, découlent de la constatation du caractère abusif d’une clause figurant dans un contrat entre un consommateur et un professionnel afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par celle‑ci, elle n’oblige pas, en principe, ce juge à procéder à une compensation d’office entre le paiement effectué sur le fondement de ladite clause et le solde dû en vertu de ce contrat, sous réserve toutefois du respect des principes d’équivalence et d’effectivité.

3) L’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où, en vertu de cette disposition, lue à la lumière des principes d’équivalence et d’effectivité, le juge national, saisi d’une demande d’injonction de payer, serait obligé d’effectuer une compensation d’office entre le paiement effectué sur le fondement d’une clause abusive figurant dans un contrat de crédit à la consommation et le solde dû en vertu de ce contrat, ce juge est tenu d’écarter l’application de la jurisprudence en sens contraire d’une juridiction de degré supérieur ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=34E38179B969F9BFE05CBCE14B16D6DD?text=&docid=261928&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=13349368

La CJUE sur le règlement Bruxelles I bis

La Cour de justice a rendu ce jour sa décision dans l’affaire C‑652/20 (HW, ZF, MZ contre Allianz Elementar Versicherungs AG) qui porte sur le règlement Bruxelles I bis.

« L’article 11, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) no1215/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2012, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, lorsque cette disposition est applicable, elle détermine tant la compétence internationale que la compétence territoriale de la juridiction d’un État membre dans le ressort de laquelle se situe le domicile du demandeur ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=34E38179B969F9BFE05CBCE14B16D6DD?text=&docid=261922&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=13349368

La CJUE sur le règlement Bruxelles I

La Cour de justice a rendu hier (20 juin 2022) sa décision dans l’affaire C‑700/20, (London Steam-Ship Owners’ Mutual Insurance Association Limited contre Kingdom of Spain) qui porte sur le règlement Bruxelles I.

« 1) L’article 34, point 3, du règlement (CE) n°44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens qu’un arrêt prononcé par une juridiction d’un État membre et reprenant les termes d’une sentence arbitrale ne constitue pas une décision, au sens de cette disposition, lorsqu’une décision aboutissant à un résultat équivalent à celui de cette sentence n’aurait pu être adoptée par une juridiction de cet État membre sans méconnaître les dispositions et les objectifs fondamentaux de ce règlement, en particulier l’effet relatif d’une clause compromissoire insérée dans le contrat d’assurance en cause et les règles relatives à la litispendance figurant à l’article 27 de celui-ci, cet arrêt ne pouvant dans ce cas faire obstacle, dans ledit État membre, à la reconnaissance d’une décision rendue par une juridiction dans un autre État membre.

2) L’article 34, point 1, du règlement n°44/2001 doit être interprété en ce sens que, dans l’hypothèse où l’article 34, point 3, de ce règlement ne s’applique pas à un arrêt reprenant les termes d’une sentence arbitrale, la reconnaissance ou l’exécution d’une décision émanant d’un autre État membre ne saurait être refusée en raison de sa contrariété avec l’ordre public au motif que cette décision méconnaîtrait l’autorité de la chose jugée s’attachant à cet arrêt ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=261144&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=9807615

L’AG M. MACIEJ SZPUNARM sur les règlements Bruxelles I et Rome I

L’avocat général M. MACIEJ SZPUNARM a présenté le 16 juin 2022 ses conclusions dans l’affaire C‑265/21 (AB, AB-CD contre Z EF) qui porte sur les règlements Bruxelles I et Rome I.

Contexte :  » 9. Les époux X EF et Y EF, parents de Z EF, le défendeur au principal, étaient des artistes allemands qui avaient notamment réalisé 20 panneaux typologies (ci‑après les « œuvres d’art ») ayant fait partie d’une exposition internationale qui s’est tenue au cours de l’année 1977.

10. CD, belle-mère de AB et mère de AB‑CD, les requérants au principal, exploitait une galerie d’art à Liège (Belgique). À la fin de l’année 1980 ou au début de l’année 1981, les œuvres d’art ont été remises à CD, ainsi que, par la suite, les certificats d’authenticité de ces œuvres.

11. Par convention du 26 janvier 2007, les requérants au principal ont acheté les œuvres d’art à CD. Cette dernière est décédée le 24 novembre 2007 et, cette même année, Y EF est également décédé.

12. Au mois d’août 2013, AB a confié les œuvres d’art à la société Christie’s en vue de leur vente aux enchères. Au cours de l’année 2014, cette société a contacté X EF, qui a affirmé être propriétaire de ces œuvres. La vente aux enchères des œuvres d’art a été suspendue.

13. Les requérants au principal affirment que ces œuvres avaient été achetées par CD, tandis que le défendeur au principal allègue qu’elles avaient été mises en dépôt auprès de la galerie de CD afin de les présenter au public en vue de leur vente.

14. Le 20 juin 2014, les requérants au principal ont introduit la présente procédure pour faire dire pour droit, en substance, qu’ils étaient les seuls propriétaires des œuvres d’art et faire interdiction à X EF de se prévaloir d’un titre de propriété à leur égard.

15. X EF ayant été citée devant le tribunal de première instance francophone de Bruxelles (Belgique), elle a soulevé, à titre principal et en se fondant sur le règlement n°44/2001, un déclinatoire de compétence et de juridiction en raison du fait que son domicile se trouvait en Allemagne. À titre subsidiaire, elle a conclu à l’irrecevabilité ou au défaut de fondement de la demande dirigée contre elle, tout en réclamant la restitution des œuvres d’art. Le 10 octobre 2015, X EF est décédée et le défendeur au principal a repris l’instance.

16. Par jugement du 22 novembre 2016, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles s’est déclaré territorialement incompétent. À cet égard, il a jugé que sa compétence ne saurait être établie sur le fondement de l’article 5, point 1, du règlement n°44/2001, en raison du fait qu’il n’existait aucun lien contractuel entre les parties en cause.

17. Les requérants au principal ont interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Bruxelles. Ils soutiennent que CD a acquis les œuvres d’art par un contrat de vente, que l’action devait être qualifiée de « contractuelle », et que, le lieu d’exécution se situant en Belgique, les juridictions belges sont compétentes. En revanche, le défendeur au principal affirme que les œuvres d’art ont fait l’objet d’un contrat de dépôt et que, s’agissant, selon lui, d’une action en « revendication » de la propriété, la détermination de la juridiction compétente relève de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n°44/2001, attribuant compétence aux tribunaux allemands.

18. En ce qui concerne la question de savoir si l’action des requérants au principal relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement n°44/2001, la juridiction de renvoi constate qu’il n’existe aucun lien contractuel direct entre les deux parties au litige. Toutefois, cette juridiction estime, compte tenu des récents arrêts de la Cour en la matière, qu’il est possible que l’exigence d’établir une obligation librement consentie n’implique plus, comme cela était le cas depuis l’arrêt Handte, que cette obligation ait été consentie entre les parties au litige, mais implique uniquement que le demandeur fonde l’action qu’il dirige contre le défendeur sur une obligation juridique librement consentie par une personne envers une autre. En effet, selon ladite juridiction, non seulement la Cour a précisé que la matière contractuelle comprend toutes les obligations qui trouvent leur source dans le contrat dont l’inexécution est invoquée à l’appui de l’action du demandeur, mais elle a également considéré que, tout comme une action paulienne, une action en indemnisation relève de la notion de « matière contractuelle » dès lors que la cause de l’action est elle-même un engagement librement assumé.

19. Cette même juridiction estime que, même s’il s’agit de situations ponctuelles au-delà desquelles une telle interprétation ne saurait prospérer, la Cour a néanmoins affirmé que la règle de compétence spéciale en matière contractuelle, prévue à l’article 5, point 1, du règlement n°44/2001, repose non pas sur l’identité des parties mais sur la cause de l’action.

20. C’est dans ces conditions que la cour d’appel de Bruxelles a, par décision du 1er avril 2021, parvenue au greffe de la Cour le 26 avril 2021, décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) La notion de “matière contractuelle” au sens de l’article 5, [point] 1, du règlement n°44/2001 :

doit-elle s’interpréter comme imposant d’établir une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur et ce même si l’obligation n’a pas été librement consentie par le défendeur et/ou à l’égard du demandeur ?

En cas de réponse positive, quel doit être le degré de rattachement entre l’obligation juridique librement assumée et le demandeur et/ou le défendeur ?

2) La notion d’“action” sur laquelle “se fonde” le demandeur implique-t-elle, à l’instar du critère utilisé pour distinguer si une action relève de la matière contractuelle au sens de l’article 5, [point] 1, du règlement n°44/2001 ou de la “matière délictuelle ou quasi délictuelle” au sens de l’article 5, [point] 3, du même règlement ([arrêt du 24 novembre 2020, Wikingerhof, C‑59/19, ci-après l’“arrêt Wikingerhof”, ECLI:EU:C:2020:950,] point 32), de vérifier si l’interprétation de l’obligation juridique librement assumée apparaît indispensable pour apprécier le fondement de l’action ?

3) L’action en justice par laquelle un demandeur entend dire pour droit qu’il est le propriétaire d’un bien dont il a la possession en se fondant sur un double contrat de vente, un premier qui aurait été passé par le copropriétaire originaire de ce bien (époux du défendeur, également copropriétaire originaire) avec le vendeur du demandeur, et un second passé entre ces deux derniers, relève-t-elle de la matière contractuelle au sens de l’article 5, [point] 1, du règlement n°44/2001 ?

a) La réponse est-elle différente si le défendeur invoque le fait que le premier contrat n’était pas un contrat de vente mais un contrat de dépôt ?

b) Si un de ces cas de figure relève de la matière contractuelle, quel contrat doit être pris en considération pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande ?

4) L’article 4 du règlement n°593/2008 doit-il être interprété comme s’appliquant au cas de figure visé par la troisième question préjudicielle et, dans ce cas, quel contrat convient-il de prendre en considération ? »

Réponse suggérée : « 1) L’article 5, point 1, du règlement (CE) nº44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens que son application présuppose la détermination d’une obligation juridique librement consentie par une personne à l’égard d’une autre et sur laquelle se fonde l’action du demandeur, même lorsque cette obligation ne lie pas directement les parties au litige. Dans le cadre de l’interprétation de cette disposition, la juridiction nationale doit veiller au respect de l’équilibre entre l’objectif de prévisibilité et de sécurité juridique et celui de proximité et de bonne administration de la justice.

2)  Aux fins d’apprécier le fondement d’une action en vue de déterminer si elle relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº44/2001, la juridiction saisie n’est pas tenue d’examiner, au stade de la vérification de la compétence, l’obligation contractuelle ou, le cas échéant, le contenu du ou des contrats en cause. Afin de vérifier si les conditions essentielles de sa compétence sont remplies, cette juridiction identifie uniquement les points de rattachement avec l’État du for justifiant sa compétence en vertu de cette disposition et apprécie tous les éléments dont elle dispose, notamment les allégations pertinentes du demandeur quant à la nature des obligations sur lesquelles se fonde son action et, le cas échéant, les contestations émises par le défendeur. La circonstance que l’action en cause au principal est une action en reconnaissance d’un droit de propriété est sans incidence sur le fait que cette action relève de la « matière contractuelle » et, partant, sur l’application de l’article 5, point 1, du règlement nº44/2001.

3) L’action en reconnaissance d’un droit de propriété portant sur un bien meuble, lorsqu’elle est fondée sur deux contrats qui ne lient pas directement les parties au litige, relève de la « matière contractuelle », au sens de l’article 5, point 1, du règlement nº44/2001. Le contrat à prendre en compte pour déterminer le lieu de l’obligation qui sert de base à la demande est le contrat original faisant l’objet du litige ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=261006&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=8996518

La CJUE sur le règlement Successions

La Cour de justice a rendu hier (2 juin 2022) sa décision dans l’affaire C‑617/20 (T.N. et N.N.) qui porte sur le règlement (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012.

« Les articles 13 et 28 du règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen, doivent être interprétés en ce sens qu’une déclaration concernant la renonciation à la succession faite par un héritier devant une juridiction de l’État membre de sa résidence habituelle est considérée comme valable quant à la forme dès lors que les exigences de forme applicables devant cette juridiction ont été respectées, sans qu’il soit nécessaire, aux fins de cette validité, qu’elle remplisse les exigences de forme requises par la loi applicable à la succession ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=360F26622F200EE7363B93EDB788BC76?text=&docid=260184&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=3958808

La CJUE sur le règlement Notifications

La Cour de justice a rendu hier (2 juin 2022) sa décision dans l’affaire C‑196/21 (SR contre EW) qui porte sur le règlement (CE) n°1393/2007.

« L’article 5, paragraphe 2, du règlement (CE) n°1393/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007, relatif à la signification et à la notification dans les États membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (« signification ou notification des actes »), et abrogeant le règlement (CE) n°1348/2000 du Conseil, doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une juridiction ordonne la transmission d’actes judiciaires à des tiers qui demandent à intervenir à la procédure, cette juridiction ne saurait être considérée comme étant le « requérant », au sens de cette disposition ».

Source : https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=360F26622F200EE7363B93EDB788BC76?text=&docid=260188&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=3958808